Temps Machine
HOMO FESTIVALUS
Sélection du jury
En mai 2009, les photographes du collectif Temps Machine ont choisi de porter un regard singulier sur la 62ème édition du Festival de Cannes.
Avant, pendant et après le festival, ces derniers ont investi la cité balnéaire afin de proposer une autre vision de cet événement cinéphilique et médiatique.
Dans cet ensemble, trois des cinq regards ont été extraits des séries proposées par le collectif afin de témoigner de la mutation d’une ville qui se “met en conformité” le temps d’une manifestation de prestige : modification du territoire, engouement médiatique, accroissement et métamorphose de la population, fantasme de la célébrité sont autant de thèmes qui traversent une exploration photographique sur une manifestation culturelle d’envergure internationale et surmédiatisée.
Les photographies de Temps Machine se posent comme autant d’illustrations exceptionnelles de ce que disait en 1955 Edgar Morin dans Les Temps Modernes : “Il est bien connu que le véritable spectacle du Festival n’est pas celui qui se donne à l’intérieur, dans la salle de cinéma, mais celui qui se déroule à l’extérieur, autour de cette salle. A Cannes, ce ne sera pas tant les films, c’est le monde du cinéma qui s’exhibe en spectacle. (...) Le vrai problème est celui de la confrontation du mythe et de la réalité, des apparences et de l’essence. Le festival, par son cérémonial et sa mise en scène prodigieuse, tend à prouver à l’univers que les vedettes sont fidèles à leur mythe.”
Le mythe du cinéma épouse la réalité de la ville le temps d’une lune de miel. A l’instar des fêtes religieuses ou traditionnelles, le festival de Cannes réitère chaque année le rituel de célébration d’un monde idéalisé qui autorise l’évasion tout autant qu’il ne convoque le questionnement sur notre rapport aux choses. Strass et paillettes : dix jours l’an, la ville et ses éphémères temporalités attisent chez l’homo festivalus l’illusoire désir d’accession à ses fantasmes les moins modestes. Dans une frénésie de la représentation, les festivaliers deviennent par transfert et le temps de la manifestation les pélerins de leur propre vie, rendant hommage à ce qu’ils voudraient être ou ce qu’il voudrait vivre.
Le construit participe de la représentation du monde. A ce titre, la ville en constitue une forme de concentration. Et le festival rejoint le carnaval lorsqu’il assume la caricature du masque et du travestissement pour transformer l’urbain en décors festif du mythe de la fausse “vraie vie”, celle qui balaye d’un coup d’un seul les contingences du quotidien.
Patrice Normand évoque les coulisses de l’événement, halls d’entrée et arrières salles des grands hôtels, en photographiant les instants latents de préparation des vedettes ou ceux qui précèdent leur “entrée en scène” et les acclamations. Philippe Grollier s’attarde sur les structures démontables qui instituent les lieux de sacralisation festivaliers et en sacralise le caractère décoratif et éphémère dans un rapport frontal, centré et vide. Valentine Vermeil se focalise sur le population cannoise du festival, saisonniers ou résidents, et sur la capacité de la manifestation à modifier les attitudes, les gestuelles, les conditions d’urbanité.
Temps Machine et Marc Mawet, Commissaire de la Biennale La Cambre
Philippe Grollier est né en 1975 à Nantes et réside à Roquevidal en France
Patrice Normand est né en 1977 à Fougères et réside à Paris en France
Valentine Vermeil est née en 1974 à Neuilly-sur-Seine et réside à Paris en France