Annie Van Gemert
Sélection du commissaire
Station balnéaire sur le littoral belge. Annie Van Gemeert photographie les cabines de plage.
En ouvrant physiquement les portes de ces typiques cabines de bois, Annie Van Gemeert en appelle plus qu’au simple inventaire de l’équipement nécessaire au bon déroulement d’une journée réussie à la plage. C’est sans doute parce que cette accumulation d’objets divers est tellement personnelle que l’on est en droit de se demander ce qui fait véritablement portrait, des objets ou des gens. Mais plus fondamentalement, elle ouvre les volets d’un triptyque symbolique et libère ainsi subitement du confinement de notre inconscient la multitude des sensations qui constituent assurément la source d’éveil la plus avérée des cinq sens de ce que l’on peut appeler « le bon belge », au-delà de tout communautarisme. Fermons doucement les yeux : de l’odeur âcre du bois humide des planchers érodés à celle parfumée des crèmes protectrices, en passant par la sensation douloureuse du frottement plastique des brassards trop gonflés sur nos bras rougis par le soleil, par le bruit des coquillages jetés frénétiquement dans les sceaux d’une collection improbable, la douceur aromatisée de « LA » boule de glace quotidienne, règlementaire, dans notre gorge sèche, le dégoût du passage insistant, sur nos joues maculées, d’un mouchoir de coton humecté de la salive nauséeuse d’une grand-mère garante des normes du « présentable », les mollets endoloris par les courses agaçantes sur de ces kwistax au siège toujours trop éloigné des pédales, l’amertume de la tasse salée d’une vague mal négociée ou l’onctuosité de la mayonnaise maison sur les frites coupées main mais toujours trop chaudes, le moelleux réconfort de l’oreiller juste après le nième épisode de « Thierry la fronde » ou du jeu « des chiffres et des lettres ».... La liste est longue et la surenchère toujours possible.
Les poses se gardent bien de l’outrance trop caractéristique des photos de vacances à l’extase impérative. Car le reportage, touchant, documente autant qu’il n’évoque, sans cynisme ni ironie.
Elle fait de ces « étés à la mer » le pèlerinage commémoratif, plus encore, le jubilé annuel où chacun célèbre à sa manière l’effervescence enfouie et fondatrice du mythe de cette accessible légèreté d’un être vacant, buvant au calice d’une énergie renouvelée et laissant fondre doucement l’hostie d’une paix partagée. Il y a quelque chose du paradis perdu dans ces clichés où tous les éléments semblent retrouver leur état primitif, idéal. Pour un instant seulement.
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