Patrice Loubon

“ENCORE UNE MANIFESTATION QUE RODRIGO ROJAS DE NEGRI N’A PAS PU PHOTOGRAPHIER”

Sélection du jury



1er mai 2003. Santiago du Chili.

La célébration tourne à l’affrontement violent.

Classique, voire banal dans un contexte national où les manifestations politiques et sociales sont nombreuses et se terminent presque toujours par un épilogue brutal entre forces de l’ordre et manifestants.

Patrice Loubon, photographe et acteur culturel nîmois, ancre sa pratique dans un engagement social qui nourrit ses projets et donne sens à ses images. Présent ce printemps 2003 dans la capitale chilienne où il organise des ateliers de photographie avec les habitants de quartiers populaires, il réalise ce travail qui s’inscrit, sur le vif, dans ses recherches polymorphes autour des phénomènes urbains.

Ses prises de vue rendent témoignage de la lutte pour la domination de l’espace public, au sens urbain du terme.

Mais il est aussi possible d’y voir l’exercice de musculation entre une publicité critique (celle des manifestants), une publicité de démonstration (celle des forces de l’ordre) et une publicité de manipulation (celle de l’affichage commercial). La photographie “Blockbuster” en rend compte magnifiquement par la densité du (des ?) sujet(s).

Le camp auquel on appartient rend ou non légitimes les violences de tous ordres.

Le temps n’est plus à la délibération au sein de la coexistence simultanée des acteurs pluriels qui occupent le théâtre commun de l’action, celui-là même qui rassemble autant qu’il ne sépare par l’avènement du moi collectif. L’espace public est avant tout apparence, lisibilité, visibilité. L’espace public est avant tout théâtre. Il est un potentiel permanent à toutes les représentations et en ce sens à toutes les célébrations. Peter Brook analyse l’espace théâtral : “Quelqu’un traverse cet espace vide pendant que quelqu’un d’autre l’observe, et c’est suffisant pour que l’acte théâtral soit amorcé.”

Les manifestants de ce combat de rue hurlent au monde que l’institutionnalisation d’un parlement démocratique en 1988 n’a pas coupé la parole au peuple par simple voie de procuration. L’espace public comme espace de monstration est le lieu de célébration de leur liberté avérée, l’espace théâtral de sa reconnaissance. La photographie en immortalise l’instant.

En empruntant les codes du photojournalisme, Patrice Loubon procède à une mise en abîme de la célébration. Il photographie et rend hommage à la photographie, au courage des “reporters” qui, dans certaines circonstances, mettent leur énergie et parfois leur vie au service d’un engagement politique pour rendre cette liberté visible et lui permettre ainsi d’exister pleinement.

« Du tréfonds de ces brumes hurlantes

Surgissent des monstres d’acier qui

Imposent à la foule la glaciale logique de l’eau

Sous pression.

Un “perro” erra ;

Des “perros de guerra” tout casqués de ténèbres ;

“Perro” erra, “perros de guerra”

Pero père hooo, tu seras fier

De ce torse offert et héroïque bravant les flammes juvéniles

De ce paysage de flics et de flags. »

Marc Mawet, commissaire de la Biennale

Patrice Loubon est né en 1965 à Nîmes et réside à Nîmes en France

Il est représenté par la galerie Negpos de Nîmes.