Satoru Toma

ECRAN TOTAL

Sélection du jury



Guy Debord aurait-il pu rêver meilleure évolution de notre monde pour apporter la preuve exponentielle de sa critique de la société du spectacle et d’un individu atomisé, déstructuré, sans autre projet que celui de consommer sous l’effet de sollicitations toujours plus omniprésentes ? Certes, notre vie quotidienne voit petit à petit des “révolutions silencieuses” s’opérer dans des modes de vie qui tentent de se dessiner autrement, crise économique ou éveil à un développement durable obligent.

Il n’en demeure pas moins que cette société où la représentation de la chose acquiert plus de valeur que la chose elle-même, dénoncée par le philosophe français, trouve un essor resplendissant dans cet “Age de l’accès”, comme le qualifie Jérémy Rifkin, qui “voit les réseaux prendre la place des marchés et la notion d’accès se substituer à celle de propriété.” Le suréquipement ne vise plus au bonheur de “propriétaires d’objets” mais à celui de “l’addict à la connexion” comme en témoigne la multiplication des technologies nouvelles des multimédias. Le mythe de l’accessibilité permanente fait de l’écran (TV, DVD, PC, GSM, iPod, iPhone....) le relais entre un monde de l’hyper-sollicitation et un consommateur qui , pour plus acteur de ses délires qu’il soit, n’en demeure pas moins soumis à de nombreuses et nouvelles servitudes.

Ecran total : l’indice de protection d’une société où tout semble devoir protéger l’individu d’un soleil intérieur dont les plaisirs intimes lui permettraient de prendre dangereusement des distances par rapport à une existence “réactive” de mini-excitations formatées.

Satoru Toma photographie l’envers du décors et questionne la place du “tout à l’écran” dans nos espaces urbains. Le panneau publicitaire en grand format est support d’images mais aussi une sorte de rideau qui filtre la réalité, une frontière entre un monde imaginaire surexposé et un monde réel négligé, voire abandonné, au propre comme au figuré. De cette célébration spectaculaire découle une inversion cynique de la valeur des choses lorsque le chancre refonde la sienne sur sa capacité à acceuillir le décors de notre propre perte.

Marc Mawet, Commissaire de la Biennale La Cambre

Satoru Toma est né en 1976 à Gumma au Japon et réside à Bruxelles en Belgique