La recherche s’est orientée vers l’identification de trois types de contenus qui, d’une manière ou d’une autre, renvoient à la spécificité même de la discipline architecturale : la mise en forme de nos environnements de vie, qu’ils soient paysagers, urbains, ruraux, ou qu’il s’agisse d’édifices publics ou privés.
D’une part, les fonds d’architectes, émanant des auteurs de projets : ces archives concernent non seulement des documents relatifs aux projets, qu’ils soient réalisés ou non (dessins, esquisses et plans, dossiers d’exécution, courriers, photographies, maquettes, etc) mais également des documents qui renseignent sur l’auteur même (carnets de notes et croquis, documents biographiques, contenu de bibliothèque, photos et rapports de voyage, archives sonores ou filmées, contenus d’enseignement, publications, etc).
D’autre part, les fonds d’architecture, au sens large : ils peuvent provenir du commanditaire, public ou privé (administrations publiques, fabrique d’église, client privé, etc) ou des sociétés qui ont participé à la conception ou à la réalisation des édifices (archives d’entreprises de construction, de bureaux d’ingénieurs, de sociétés de promotion, ...). Ces archives concernent généralement des bâtiments spécifiques ou des ensembles d’édifices (des églises et bâtiments conventuels dans le cas des fabriques d’églises ; des édifices de l’Expo 58 dans le cas du fonds d’archives des travaux publics ; etc). Elles concernent également des secteurs spécifiques comme l’enseignement (les archives des écoles d’architecture), les sociétés professionnelles (les archives de l’Ordre des Architectes, de la SCAB), les fédérations d’entreprises de construction ou des entreprises spécifiques, les organismes initiateurs de concours d’architecture, les medias spécialisés (les archives de la revue Aplus, etc). En fait, c’est toute la chaîne de production du cadre bâti qui est concernée, de la commande à la réception en passant par la conception et la construction et de l’enseignement à la médiatisation de l’architecture.
Enfin, par extension, la recherche a relevé -mais de manière moins systématique- les fonds concernant l’urbanisme et l’aménagement du territoire qui traitent d’architecture, mais à une autre échelle : non plus uniquement celle des édifices mais celle du contexte de leur inscription. Les plans d’aménagement, les grandes infrastructures, etc, participent évidemment à l’édification de l’architecture de la ville, du territoire et du paysage.
Dans tous les cas, les types de documents identifiés concernent principalement des plans (calques originaux, " tirages " selon des techniques diverses et, aujourd’hui, supports informatiques), des dessins originaux (esquisses préparatoires, perspectives et autres rendus de présentation), des photographies (sur des supports et selon des formats différents), des dossiers comprenant des documents préparatoires (documentations diverses, plans de situation, références, ...), de la correspondance, des devis, des cahiers de charge, des expertises, des maquettes, des échantillons de produit, etc.
Il faut donc bien relever que les archives d’architecture ne concernent pas que les " beaux " documents, éliminant ceux qui n’auraient pas une valeur " esthétique ". De même, le public et les chercheurs ne s’intéressent pas qu’aux grands noms de l’architecture et à leurs plus belles réalisations mais également aux productions " anonymes " qui forgent tout autant, voire davantage, le cadre de vie. La recherche contemporaine étend également ses investigations au-delà même des objets architecturaux pour rendre compte des processus qui ont conduit à leur conception, à leur réalisation et/ou à leur réception, ce qui élargit de facto le champ des archives d’architecture.
Les XIXe et XXe siècles définissent la période au cours de laquelle la Belgique a connu son développement le plus significatif du point de vue de la mise en forme de ses espaces. Même si on ne peut faire abstraction des facteurs déterminants des siècles antérieurs, Bruxelles se lit, dans ses espaces et son architecture, comme une ville des XIXe et XXe siècles ; les territoires wallons ont, quant à eux, été profondément marqués par l’industrialisation, le lotissement des campagnes ou la mise en place des grandes infrastructures de mobilité (chemin de fer, voies navigables, autoroutes...).
C’est, assurément, la période au cours de laquelle on a le plus construit mais aussi démoli, le cycle de la construction s’étant considérablement raccourci. L’époque a également vu naître de nouveaux programmes : que l’on songe aux édifices industriels, aux logements " sociaux ", aux bâtiments de bureaux, aux infrastructures comme les gares, etc : tous objets qui, sauf quelques fleurons, relèvent le plus souvent d’une "banale" quotidienneté et dont l’intérêt "patrimonial" ne fait pas unanimité mais qui, pourtant, façonnent la réalité du cadre de vie et sont, à ce titre déjà, dignes d’étude.
C’est aussi la période au cours de laquelle la profession d’architecte même a connu un grand essor et a été marquée par des bouleversements successifs des pratiques et des théories : éclatement des courants de pensée, remise en question des modes de conception et de production, diversification des matériaux et techniques, etc.
Ces quelques exemples révèlent à eux seuls l’importance des archives de cette période à l’égard de la [re]connaissance qu’elles apportent vis-à-vis de ce proche passé si déterminant pour la compréhension de nos espaces de vie contemporains.
D’un point de vue géographique, l’aire prospectée est limitée au territoire de la Communauté Française Wallonie-Bruxelles.
Il est bien évident que cette délimitation a sa part d’arbitraire : ni les frontières nationales, ni les distinctions régionales ou communautaires n’ont de prise réelle sur les zones d’activités des architectes ou sur la transmission de leur héritage. Il y a des archives de Lucien Kroll en France, de Charles Vandenhove au C.C.A. (Montréal) et des photos de l’Expo 58 dans le fonds Sarger à l’IFA (Paris). Inversement, les projets d’Antoine Courtens pour les Laurentides (Canada) se trouvent aux AAM (Bruxelles) et de nombreux fonds d’architectes belges conservés en Belgique contiennent des réalisations de la période coloniale, au Congo. Les fonds concernant Henry van de Velde sont, entre autres, disséminés à Bruxelles (ENSAV - La Cambre, AAM et Bibliothèque Royale), Gand (Museum voor Sierkunst), Arlon (archives du CGRP), Hagen (Allemagne), Otterloo (Hollande), etc.
Outre que les archives relèvent en Belgique d’une compétence culturelle communautaire, l’intérêt d’inventaires "régionaux" systématiques est de révéler les fonds existants dans un territoire donné et de participer ainsi à une mise en réseau des relevés réalisés de manière analogue dans les territoires voisins. On pense notamment ici aux initiatives du CVAa en Communauté flamande et à la publication annoncée De Stafkaart Vlaamse Architectuurarchieven ; à l’ouvrage édité par l’I.F.A sur l’Etat des fonds d’archives d’architectes XIXe et XXe siècles (La Documentation française, Paris, 1996), et, en particulier, au site internet réalisé par les Archives de la construction moderne intitulé Guide des sources d’archives d’architecture et des bureaux techniques de Suisse romande, qui a nettement inspiré le présent projet.