Les espaces de célébration

Une sélection extraite des collections

du Musée de la Photographie à Charleroi



Depuis ses origines dans les années 1830, la photographie est indissociable des espaces de célébration.

Le regard du photographe capte et enregistre les beautés du monde, son patrimoine le plus remarquable, son évolution industrielle et sociale, inventorie tous les aspects de l’activité humaine. L’espace de célébration le plus emblématique de l’histoire de la photographie reste sans nul doute le studio du photographe, ce lieu de représentation dans lequel les gens s’affirment sous le meilleur jour lors des grandes étapes conventionnelles et solennelles jalonnant l’existence sociale (naissance, communion, mariage, …). Le Musée de la Photographie est riche de ces images qui se répètent à l’infini. Cette thématique à la fois vague et précise recouvre finalement énormément de choses et est l’occasion de se replonger dans les collections.

Celles-ci s’apparentent à un organisme vivant qui se développe et s’enrichit, respire et se partage. Ainsi, la partie visible, accessible au public, n’est-elle que la part émergée d’un immense iceberg. Nos visiteurs ignorent souvent ce que recèlent nos réserves. Celles-ci abritent près de 80 000 images et autour de 3 millions de négatifs couvrant toute l’histoire de la photographie, non seulement en Belgique mais aussi dans le monde.

Cela correspond à autant de fragments d’espace et de temps qui nous parlent de l’humanité, de son histoire, de ses émotions, de la vie et de la mort à travers le regard d’hommes et de femmes, des regards d’auteurs, d’artistes, conscients de l’état du monde et de la nécessité d’en garder la trace, pour eux-mêmes et pour le futur.

Robin Gneiting Quinze photographies ont été sélectionnées pour la biennale. Des images qui parfois n’ont plus été exposées depuis très longtemps. C’est ici l’occasion de confronter, de mettre en rapport des images dont la création s’étale sur les cinquante dernières années du XXe siècle.

Les photographies choisies représentent des espaces, des lieux typés et chargés de sens. Robin Gneiting et Beth Yarnelle Edwards célèbrent la banalité du quotidien d’une façon presque théâtrale en construisant rigoureusement des espaces colorés qui nous parlent de la classe moyenne aux Etats-Unis. Albert Marinus photographie une jeune femme nue, allongée sur un lit dans une chambre sombre ouverte sur un port. D’une façon plus explicitement érotique, Diane Arbus nous montre une danseuse, la poitrine dénudée dans sa loge soutenant de manière provocatrice l’objectif de l’appareil. Plus simplement et de façon plus évocatrice, Alain Breyer nous présente la façade d’une maison close la nuit. Martin Parr célèbre le kitch d’un quartier de Las Vegas où se confrontent un cow-boy et des pastiches d’architectures et de monuments égyptiens. L’atelier de Picasso photographié par André Villers est l’espace du génie par excellence, lieu de création et d’accumulation.

Clara Gutsche

Clara Gutsche représente la vie cloîtrée dans un intérieur de couvent, espace habituellement très typé mais ici curieusement coloré et joyeux. Les lieux de vie sociale, de rencontres et de rassemblements intéressent aussi les photographes. Harry Gruyaert capte le foisonnement confus d’une rue en Inde, espace d’exhibition de la société de consommation, du pouvoir et de la vie politique. Eric Baudelaire dans un paysage ouvert évoque également le passé et le devenir de l’Abkhazie. Massimo Vitali dans une vaste étendue marine, photographie des baigneurs à partir d’un point de vue en suspension dans l’espace, comme Paolo Pelizzari qui s’intéresse au public d’un match de tennis à New York ou encore Neal Slavin qui photographie les employés d’une entreprise célébrant la cohésion de leur entreprise dans un théâtre.

De son côté, Christian Carez, dans sa série Les concours belges, nous montre de jeunes femmes rivalisant de beauté dans un lieu clos. William Klein joue sur le reflet et la confusion des plans lorsqu’il photographie un café à Bruxelles. L’espace est ici étrangement confus mais évoque parfaitement la vie et l’animation de ce lieu de célébration par excellence.

Ces différentes approches d’auteur révèlent la richesse de la création photographique, le foisonnement et la complexité de la société contemporaine.

Marc Vausort,

Conservateur

Musée de la Photographie à Charleroi