NOS META-MORPHOSES

Anne-Sophie Costenoble/Tomas Barbera

Collections du Musée de la Photographie de Charleroi/Marc Mawet

Au commencement.

Edifice : structure dotée d’une enveloppe dont la stabilité affronte la pesanteur pour créer des espaces qui abritent, favorisent et enrichissent la diversité des activités et des faits humains, au sein et en rapport avec un contexte physique, social, culturel, temporel.

Mais encore, tout le monde en convient...

L’architecture dépasse les simples contingences fonctionnelles et constructives.

Elle est partie d’un tout référentiel et cohérent, iconique et textuel.

L’architecture représente autant qu’elle n’exprime.

Elle « parle de » lorsqu’elle s’assigne à une forme de vérité.

Elle « parle à » lorsqu’elle ambitionne de convaincre.

Elle « parle pour faire » c’est-à-dire qu’elle fait monde, qu’elle fait advenir, passer du non-être à l’être.

Elle fait sens, celui qui préexiste comme celui qui advient, conscient ou inconscient.

Elle propose des signes, dégage des atmosphères, engage des sollicitations, déictiques, affectives, symboliques.

Elle est phénomène, vécu et interprétatif.

Alors elle accomplit, et pourquoi pas le bonheur... ?

Celui auquel on aspire, celui du Pour-soi, expression de l’Homme et de son existentialité,

Celui dont on veut témoigner, celui du En-soi, expression des choses telles qu’elles vont,

Celui de l’oscillation et de l’ambivalence, du paradoxe des deux premiers toujours réunis.

L’architecture comme lieu de prise de conscience et de compréhension.

Et si la photographie témoignait ?

Et si la photographie engageait à ?

Dans l’acte même de « se faire tirer le portrait » dans l’espace, domestique, celui de la vie de famille, d’une certaine représentation du bonheur et de la réalisation ?

Qu’est-ce à dire ? Confirmer ou interroger ?

A moins qu’il ne s’agisse de laisser croire ou de prétendre... Il y va du contentement de l’âme, en définitive, non ?

Pour un instant, pour un instant seulement. Initier l’origine le temps d’une pause.

Et si la photographie ouvrait un « jeu de piste », tentait de faire récit, de recoller les morceaux, d’accumuler les indices et de les faire parler en toute mauvaise bonne foi ou bonne mauvaise foi, afin qu’ils tiennent la route, invitant l’intuition, convoquant l’hypothèse, construisant le projet, onirique.

Pour un instant, pour un instant seulement. Initier l’origine le temps d’une résidence.

Un château, un étang, une cheminée, deux fauteuils, un jardin, des fenêtres, une province, la campagne, une impasse, un salon, un bourgeois, sa femme, un trophée animalier, une porcelaine japonaise, un nu qui s’évapore, un napperon, de « spirituels loisirs », un prolétaire, son chien, une pause altière, une présence fatiguée, un regard insistant, un Christ de guingois, une lumière apaisante, un tic-tac immuable, un tapis persan, un costume trop large, une brume inquiétante, un chemin de traverse ...

Que racontent ces hommes, ces femmes ou l’idée que l’on s’en fait ?

De quel théâtre ces lieux sont-ils l’écrin ?

Anne-Sophie Costenoble et Tomas Barbera jouent les poètes détectives pour retrouver au château de Thozée un Félicien déchiré, en chair et en âme tandis que les collections du Musée de la Photographie ouvrent un savant album de familles pour libérer des secrets déchiffrables.

Ont nourri ce texte le livre « Quand dire, c’est vraiment faire. Homère, Gorgias et le peuple arc-en-ciel » de Barbara Cassin (2018), les réflexions du groupe de travail sur la réforme de l’enseignement en ateliers d’architecture de la Faculté La Cambre-Horta novembre 2019, le site officiel du musée Félicien Rops et quelques lectures dilettantes sur la notion du Soi.