JEAN CHRISTOPHE BÉCHET (1964, Né à Marseille, Réside à Paris)

Politiques Urbaines : il y a des villes…

Pourquoi photographier des villes ? C’est pas un sujet une ville ! Pourquoi toujours aller voir comment vivent les « urbains » ? Pourquoi cette fascination pour ces noms de cités sur les cartes ?

En voyageant de villes en villes, je ne sais pas ce que je cherche. Mais je sais ce que je veux éviter. Montrer plutôt que démontrer. Raconter des histoires. Fuir les séries fermées sur elles-mêmes, les généralisations. Des photos contre les clichés. Chez moi, photographier ce n’est pas illustrer un concept préconçu. C’est aller au devant du monde et essayer d’en tirer un point de vue « photographique ». C’est à dire esthétique, poétique et politique. Politique, parce que l’étymologie même du mot nous renvoie à la ville. Esthétique, parce que seul le plaisir visuel donne envie d’en voir et d’en savoir plus. Poétique parce que je préfère évoquer plutôt qu’asséner, suggérer plutôt que documenter.

C’est aussi dans les villes que se jouent notre 21ème siècle. Il y a sans doute plus de différence entre un paysan de l’Ariège et un Parisien qu’entre ce Parisien et un New Yorkais ou un Tokyoïte. Le citadin doit s’inscrire en permanence dans les espaces architecturaux qui le dominent et le façonnent. Les bâtiments, les pierres, les façades, les lumières, tout cela conditionne le comportement des habitants. Tout un théâtre urbain dans lequel j’essaie de capturer des moments significatifs. Sans mise en scène, ni retouche numérique, ni respect d’un quelconque « droit à l’image ». La ville est un territoire photographique que l’on doit conserver. Je refuse de l’abandonner quand tout concourt (le numérique, le juridique, les tendances artistiques…) à ne plus s’y confronter. Là aussi, photographier la rue, c’est un choix « politique » et « poétique ».

Après la prise de vue, après la rue, je vais reconstruire le monde que j’ai a vu dans mon viseur. Et m’interroger sur le pouvoir de la photographie : comment raconter une ville, ses murs, ses tonalités, ses nuits, ses aubes ? Comment par exemple montrer qu’à Orlando (Floride, USA) à 6 h du matin quatre trajectoires humaines se croisent : Une femme de ménage noire commence sa journée à l’hôtel. Un jardinier, noir aussi, coupe les mauvaises herbes dans un centre commercial. Un troisième noir attend un bus, debout, pour aller travailler. Et à côté passe un blanc. En tennis blanche, il court, il fait son jogging… Comment photographier ces trajectoires urbaines parallèles ? Je ne sais toujours pas. J’essaie. J’y crois. Je continue

Jean-Christophe Béchet