Anne-Marie FILAIRE (1961, Née à Chamalières, Réside à Paris)

Anne-Marie Filaire photographie le paysage depuis plus de vingt ans. Elle écrit le témoignage photographique de ses temporalités et de ses métamorphoses aux intensités variables et aux rythmes spécifiques. A la manière d’une géographe, elle en relève avec minutie et méthode les moindres détails, s’attelant à un travail de relevé indiciel, d’enquête et d’investigation. Elle s’installe dans la lenteur, revenant à plusieurs reprises sur les mêmes sites, pour produire des représentations du paysage qui documentent à la fois sur sa réalité physique, sur son écriture, sur sa « géo-graphie ». Mais elle met surtout en avant que les signes de ses transformations manifestent, matérialisent, réifient aussi l’activité des hommes sur terre, leurs intensions, leurs réalités sociales, politiques ou culturelles.

Nous tatouons le corps du monde de nos géométries électives mais il arrive que ce travail bascule du glyphe à la lacération lorsque la violence colonise notre territoire mental.

C’est en 1999 que Anne-Marie Filaire rencontre pour la première fois la ville de Jérusalem.
Depuis, son travail s’échine à relever les terrains au niveau de ses zones frontières.
Depuis, comme à la recherche obsessionnelle de ce qui pourrait encore réunir plutôt que séparer, elle photographie l’évolution de la matérialisation d’un enfermement qui fut d’abord symbolique, puis organisationnel, enfin radicalement construit.

Si ses photographies sont la plupart du temps désertées de toute présence humaine, elles parlent avec force et nuance à la fois des gens et de leur manière d’habiter le monde.

Itzhak Goldberg a bien perçu dans un de ses textes que la recherche et la « sensation d’un silence irréel, d’un vide étrange » exprime avec une radicale et froide efficacité documentaire (presque de répertoire) le drame humain (et urbain) en et par l’absence justement de toute trace de vie.
S’il fallait évoquer le fait qu’aujourd’hui, la séparation des territoires est un « fait accompli », c’est sans aucun doute par la présence d’une prise de vue unique auquel il est réservé un grand espace de respiration, un silence spatial par rapport aux travaux des autres exposants, pour retranscrire dans l’espace et l’accrochage la dramatisation recherchée dans la prise de vue.
Nous avons fait le choix d’un dispositif d’accroche central et symétrique, complémentaire au caractère frontal de la prise de vue afin de polariser avec force la dimension politique de ce travail et de lui assurer la pose méditative nécessaire.

Anne-Marie Filaire est représentée par la galerie Eric Dupont, Paris

M.M