PHILIPPE DEL CANE - Né le 16.11.1965 à Warquignies

Réside et travaille à Mons

INSTALLATION FACADE MUSEE

Ici exclusivement façade extérieure représentée

Mixte de textes de JEAN de La Fontaine et du Marquis de Sade Images de sites internet d’agences immobilières

Sélection du commissaire



MA MAISON, MON REVE

Philippe Del Cane

L’obsession d’acquisition du bien fantasmé se découvre aujourd’hui dans la virtualié proposée par les écrans si fiables de nos machines domestiques. Avant de voir ou de percevoir, nous découvrons de manière uniformisée des structures d’appâts ornées de vocables enchanteurs dont fourmillent les accès des vitrines internet du bien (à) vivre. Entre l’espace d’acquisition et l’espace de vie s’immisce l’espace du virtuel d’un des avoirs les plus réels, ci-dénommé la brique, symbole puissant de la matière, du bien, le bien nommé immobilier. La matérialisation par excellence de l’avoir : la belle propriété. Plus qu’une voiture ou que tout autre patrimoine, la brique est la première valeur de l’avoir, du posséder. D’exister ?

Avant que celle de posséder, se déroule donc l’étape de l’acquisition qui sera sujette au premier regard, aujourd’hui passé virtuel. Le « love at first sight » s’est émancipé, et de sites de rencontre, nous glissons volontiers aux sites d’immobilier, qui sont toujours en quelque sorte dans leur essence des sites de rencontre avec le bien désiré, le frisson recherché. Cela voudrait-il signifier qu’une des fonctions les plus constantes de l’homme serait la rencontre ? La finalité du contact physique et matériel ; bien que le premier contact se passe via une interface électronique ? Il semble que notre type de société se dirige effectivement vers ce mode de fonctionnement, ou dans certaines strates, toute communication ne s’opère plus que via interface électronique, en tant qu’extension, ou mieux encore, prothèse biomécanique (j’adore ce mot) renforçant peut-être ou protégeant notre frêle enveloppe du premier contact direct.

Ayant suivi avec assiduité les chemins de l’éducation physique aux sphères des accomplissements de ma tâche en ce lieu, je bâtis sans relâche des petits lots construits de murs et d’enceintes certaines, où je plonge mon réconfort dans l’abri de mes pensées faites pourtant de toutes autres matières.

Je suis celui qui est, je baisse le ton de mes passions et trouve le lieu désiré pour accueillir mon oeuf et préparer mon caveau avec acharnement. Ici, tout est en dur dans mon univers mou. La pensée circule dans mes liquides et boit les formes, les définitions du patrimoine.

Le mien est génétique, simplement. Déjà avec cela, j’en ai plus qu’assez pour traverser une existence. J’efface les fautes et retrace les contours du coffret, de l’écrin. Travail, beauté, gloire et trône de ma vie, ma maison sera à mon image la plus travaillée de ces années de labeur constant qui marqueront d’elles-mêmes ma valeur et mes convictions.

Je suis celui qui suit, pour une intégration durable, je deviens le connaisseur de toutes les annonces symétriques d’un bonheur infini et bien tracé. Mon rêve, mon illusion, du doigt, je les touche et les retouche d’amples discussions, d’amples décisions qui mèneront au résultat de l’attention d’être chez moi. D’être moi qui rayonne tel un soleil sur mes acres terreux. D’être un doigt solaire qui écaille la beauté de tous ces biens faits à refaire.

Je ne voulais pas de briques, juste toi. Qui s’est transformée en chape sans reflets, une fois le passage à l’acte signé. Les hommes en costume s’en retournent à leurs formules pendant que le patrimoine de tous les états grandit. J’ai dormi à la belle étoile, sous la pluie, dans le froid, dans le fond d’un train. J’ai marché de long en large en comptant les mètres qui me séparent du plus proche voisinage de fait.

Je suis celui qui voit, un environnement social me façonnant dans le contexte que je me serai choisi afin d’y retrouver au mieux mes attentes d’une vie planifiée par les choix réverbérant de mes pas. Je vois la ville du dedans et le monde intérieur du dehors. Parfois j’y pénètre et sais combien ils diffèrent, même si nous nous saluons de la même façon dans ces lieux communs de nos existences.

Serai-je plus libre demain lorsque j’aurai fini de payer ? Mais bienvenue alors à tous mes amis, qui contempleront, une fois l’an, au solstice de mes congés payés, quelques saucisses attenantes à la structure du bâti convoité des autres contemporains, qui eux, ne feront que passer devant mon triple vitrage, ma triple porte, ma triple tête de bœuf. J’ai choisi la tête complète plutôt que l’œil simple, cela donne plus d’atour à la façade fraîchement repeinte. Que voulez-vous ? Je suis heureux quand même.

J’en ai cherché des joies, mais celle-ci est incomparable au thème de la colonisation des espaces. Ils ne sont pas communs chez moi, ils sont uniques, à l’image des empreintes de ma vie écrites en ces murs, à l’image du positionnement des formes et des couleurs, je vogue vers l’édifice invisible, vers la quatrième puis l’ultime dimension qui transcende mon corps au-delà de sa fonction physique. Je redeviens un. J’oublie que j’ai. Eté. Con. D’acheter.

Philippe Del Cane

Titres au porteur